Cérémonie
du 11 novembre
2006
Association des Anciens Combattants
L'abre généalogique des familles
» Poème d'un poilu à son frère
MOURMELON
Mourmelon, Mourmelon, ville deux fois maudite
Réveillant à jamais mes secrètes douleurs,
Tu voulus que tout seul, bien souvent je médite
Dans le sentier des pleurs.
Mourmelon !.. Si plus tard je retourne au village
Vers ceux qui font, là-bas, des rêves superflus,
Je ne pourrai revoir que la fragile image
De celui qui n'est plus.
O je revois encor sa figure sereine
Les intimes pensers figés dans son regard
Et le calme troublant de sa pauvre âme en peine
Le matin du départ.
je sentirai toujours sur ma joue en détresse
Le gage d'amitié qu'il vint y déposer,
En me faisant sentir l'ineffable caresse
De son dernier baiser.
je revois ce bouquet de tendresse câline
Que le cher disparu me fit apercevoir
En me disant, hélas, de sa vois enfantine
"Mon grand frère, au revoir."
Au revoir ! Il partait... Abandonnant en larmes
Les hôtes attristés de notre habitation,
Mais répondant "Présent" aux glorieux cris d'alarmes
Que poussait la nation.
Sa trop faible santé s'était déjà brisée
Dans les champs rocailleux de notre vieux terroir,
Mais il était de ceux qui vont, l'âme grisée,
Au devant du Devoir.
Le Devoir... Roi déchu qui toujours nous transporte
Aux sommets que jamais le remords ne trouble,
Et qui grandit la moindre action frôlant sa porte,
Pour Lui, tout était là.
Mourmelon, je ne sais si la douce nature
Avait courbé vers toi les princes des pinceaux
En te gratifiant de ces nids de verdure
Où chantent les oiseux.
Je n'ai jamais pu voir si la lumière rose,
En baignent tes maisons de ses regards puissants,
T'auréolait le front d'un petit quelque chose
Qui charme les passants.
Je ne puis deviner si les tendres bouffées
Du grand vivifiant qui court les horizons
Entendent sans souffrir les plaintes étouffées
De tes sanglants gazons.
je ne sais, si plus tard, en feuilletant l'histoire,
Nos enfants oseront d'un Passé criminel
Corrompre l'Avenir, en ornant ta mémoire
D'un péplum immortel.
Mais je sais qu'aujourd'hui ton nom m'est exécrable,
Je sais qu'en attendant le fruit du jour suivant
Un homme en deuil, courbé devant l'irréparable,
Sanglote en écrivant.
Je sais, ô Mourmelon, qu'un martyr de l'idée
Vécut, pieusement, des intants douloureux,
Sans voir s'épanouir la cause fécondée
Par son sang généreux ;
Et que couché là-bas, il attend que la France
Proclame du devoir le suprême réveil,
Et que l'Esprit divin sonne la délivrance
De son dernier sommeil.
Beaucourt, 8 novembre 1914